Jean-Luc Mélenchon au second tour des élections présidentielles, ce n’est plus une hypothèse farfelue. Allons plus loin : voilà pourquoi il sera élu président.
Jean-Luc Mélenchon parle aux émotions, pas à la raison.
L’impact d’un tel discours est rapide et fort :
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Il est beaucoup plus facile et confortable de voir ce qui va mal, plutôt que ce qui va bien.
On le sait, avoir conscience de sa chance implique une certaine culture (connaître l’Histoire, la Géopolitique, ou même un des parents pauvres de la culture française, l’Economie, permet souvent de se rendre compte que non, le racisme, l’homophobie et la grisaille ne sont pas au maximum de ce qu’ils ont été, sont ailleurs ou pourraient être).
Cela demande aussi un effort intellectuel. Si on se prend une merde de tourterelle sur la tête alors qu’on se rend à son travail, même si on est riche, beau, célèbre et en bonne santé (bingo !), c’est le Monde qui s’écroule. Notre Monde. Ce qui revient au même.
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Il est beaucoup plus spectaculaire de voir quelqu’un afficher des émotions fortes.
Est-il vraiment si étonnant de voir, à longueur de films ou de séries télé, les acteurs s’asséner des leçons de vie à grands coups de phrases assassines ? « Des jours et des vies » et « Amour, gloire et beauté » cartonnent autant auprès de la ménagère de 50 ans que le poivrot rencontre le succès auprès du manager parti chercher ses clopes au PMU-Rapido du quartier. A l’inverse, qu’est-ce qu’on s’emmerde à écouter deux spécialistes discuter (plus ou moins) calmement de la dette publique. Toujours le même blabla. Qu’est-ce qu’il est mou, qu’est-ce qu’il est ennuyant (quelle horreur, ce « ennuyant » rencontré désormais un peu partout !), doit bien y avoir un artiste engagé sur l’autre chaîne non ?
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Il est beaucoup plus immédiat de ressentir que de réfléchir. Jean-Luc Mélenchon en profite à merveille.
Prenez le plus brillant des savants et empêchez le de dormir pendant quelques jours : à mon avis, il aura un peu de mal avec une grille de Sudoku niveau 2. En fait, quand on y pense (!), l’émotion prend toujours naturellement le pas sur la réflexion. J’imagine que c’est le lot de tout être vivant.
Jean-Luc Mélenchon est énervé. Il le fait savoir. Et ça, c’est bien.
Notre société valorisé l’énervé, l’agité, … l’indigné. Si on n’est pas constamment en colère, c’est qu’on est lobotomisé, qu’il faut se réveiller, qu’on n’a rien compris au film. Ben oui, vous savez, le gigantesque complot des riches contre les pauvres, des puissants contre les faibles, des juifs contre… oups pardon, ça désormais c’est puni par la loi. J’ai rien dit. Bref, qu’on est stupide, mais que tout n’est pas perdu si on accepte d’ouvrir les yeux. Autre cas de figure, bien pire celui-ci : on est un enfoiré de modéré. Modéré, donc mou. Et faible.
Là encore, cette incompréhension fondamentale de la politique découle très certainement en partie d’un manque de culture : on pense que la politique est une ligne, avec à un bout l’extrême droite, à un autre l’extrême gauche, et au milieu les mous. Il suffit pourtant d’ouvrir à peu près quel bouquin qui traite de politique pour les nuls pour comprendre que cette représentation est digne d’un CM2. L’histoire française blabla la Révolution blabla la droite contre la gauche les jacobins les girondins blablabla. OK. Maintenant tu prends une année sabbatique et tu ouvres quelques bouquins, on en reparle après.
A ce sujet, il est amusant de constater à quel point le Front National réfute l’idée d’être à l’extrême de la droite alors que les marxo-trostko brandissent leur radicalité comme une Légion d’honneur. Forcément, il a été encré dans l’esprit du Français qu’il est vertueux de massacrer des populations au nom d’un idéal si et seulement si celui-ci relève d’une logique de gauche. On préfère tous Staline à Hitler, pour répondre à la splendide question du hardi Ardisson, parce que lui, au moins, il avait un idéal. Non ?
Jean-Luc Mélenchon rase gratis. Et il ratisse large.
Les ennemis sont partout, faut tout nettoyer, tous pourris, tous vendus. On verra bien après. Au moins, tous ceux qui ne voteront pas pour les candidats du système iront vers lui. Laissez venir à moi les petits naïfs, de toute façon, je ne ferai pas pire que les autres, donc ils ne pourront pas être déçus.
François Hollande va chuter dans les sondages. Si, si.
Avant même d’être élu, Hollande bafouille, bégaye, renonce. Et il est loin d’être le seul au PS. Ca va finir par se voir, non ? En plus, si ça se trouve, y a une histoire de cul qui va éclater. DSK a déjà indiqué qu’il niait tout.
Le 21 avril à l’envers, c’est maintenant
Jean-Luc Mélenchon a bien compris le potentiel marketing du « Indignez-vous ».
La société du spectacle. La dramatisation. Les chiens écrasés. Il éructe, il hurle, mais il hurle simplement.
J’entendais récemment un militant du Front de Gauche expliquer qu’il ne comprenait rien à ce que disaient les fameux « candidats du système », a contrario d’un Jean-Luc Mélenchon qui, lui, parle simplement. « Et au moins on sait ce qu’il faut résoudre », ajoutait-il. En effet, le postulat étant que « tout va mal », autant passer directement à la case diagnostic. Et rien de tel qu’une amputation pour stopper une maladie grave et foudroyante.
Jean-Luc Mélenchon, c’est le triomphe sans cesse répété de la forme sur le fond, de la colère sur la réflexion, du groupe sur l’individu, de la bonne conscience sur la conscience.
C’est arrivé avant et cela arrivera encore (si ça se trouve, Jean-Luc Mélenchon est un cylon ?).
Dis Maman, c’est ça qu’on appelle le populisme ?
A lire aussi :
- Jean-Luc Mélenchon sur Wikipedia
- Le blog de Jean-Luc Mélenchon
Le Lapin dit
Sarkozy en tête avec 30%, Hollande 28%, Mélenchon rejoint Bayrou à 13%, selon un sondage CSA