Suite aux inondations que le Var vient de connaître, j’ai lu différentes réactions sur les réseaux sociaux, notamment parmi mes nombreux contacts libéraux et libertariens. J’ai pu constater chez plusieurs d’entre eux la récurrence d’une notion de « responsabilité », en vertu de laquelle les Varois devaient « subir les conséquences de leurs choix ».
Si cette idée peut naturellement se défendre dans certains cas, il en est de nombreux autres dans lesquels elle se se révèle simpliste. Et, au bout du compte, à l’opposé des valeurs du libéralisme. Ce n’est à vrai dire pas la première fois, loin s’en faut malheureusement, que je me retrouve confronté à une telle vision étroite et peu clairvoyante de cette notion de responsabilité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je publie ce billet aujourd’hui.
Voici donc ce que j’ai essayé de montrer à l’un d’entre eux, suite à ces quelques mots de sa part :
Je ne vois pas pourquoi d’autres devraient supporter les inconséquences de tes choix de vie.
La notion de responsabilité en question
« Je ne vois pas pourquoi d’autres devraient supporter les inconséquences de tes choix de vie » : précisément. Nous sommes d’accord. Et c’est justement la faille dans ton raisonnement.
Celui-ci est figé dans le temps et l’espace. Un peu comme si tu étudiais la vie des Français du 16ème siècle avec l’oeil d’un Français de 2014, et que tu disais « untel a fait tel choix parce que ceci et cela, il doit donc assumer ». Tu analyses des événements sans te replacer dans le cadre d’origine.
Par ailleurs, tu parles d’ « inconséquence ». « Sens 1 Qui n’est pas logique. Synonyme irrationnel Sens 2 Qui se conduit de manière irréfléchie. Synonyme irréfléchi ». Alors je reprends mon exemple, très simple.
Je construis ma maison en 1950. Dans un endroit absolument sans risque. J’ai passé des mois à tout éplucher. J’ai pris la décision la plus rationnelle et réfléchie qui soit. En 1972, un grand chantier est lancé à quelques centaines de mètres de chez moi. Je n’en ai pas eu connaissance, je ne l’apprends que le jour où le chantier est lancé. Dans leur intérêt, ils détournent un cour d’eau qui les gêne à cet endroit là pour leur projet. Pas de bol ils le détournent « vers chez moi », parce qu’ils s’en foutent, parce qu’ils ont pas réfléchi, ou parce qu’ils se sont trompés dans leurs calculs (c’est un exemple hein, juste pour te montrer les failles dans ce que tu dis).
– 1ère hypothèse : j’apprends que ce détournement a eu lieu (parce que je suis allé me renseigner, même si j’ai dû poser une semaine de congés au boulot pour avoir le temps de récupérer les infos, ou même parce que je l’apprends « par hasard »). Ta conclusion est donc visiblement que dès lors je dois payer une assurance plus élevée, faire des travaux, quitter ma maison, ou accepter que celle-ci s’effondre ou soit inondée. Autrement dit, ton propos est que je dois supporter les inconséquences des choix des autres. Personnellement, ça me pose un problème.
– 2ème hypothèse : Malheureusement je ne suis pas au courant de ce détournement, ou je ne l’apprends que « trop tard », alors que j’en ai déjà subi des conséquences irréversibles (je t’assure Patrick, même le plus grand des génies, même le génie le plus responsable et réfléchi, ne peut avoir connaissance de 100% de ce qui se passe, encore une fois c’est un exemple, il ne faut pas rester le nez collé dessus, c’est simplement pour illustrer). Je n’ai donc pas payé d’assurance plus élevée, je n’ai pas fait de travaux, je n’ai pas envisagé de partir etc. Ta conclusion est que je suis fautif, c’est la vie, c’est comme ça, je paie les conséquences de mes choix – tu parles d’ « inconséquence », c’est un comble. La réalité est que là encore évidemment je supporte les inconséquences des choix des autres. Vraiment, ça me pose un problème.
En fait, j’ai l’impression que tu parles de « conséquences naturelles », mais tu n’as pas compris – ou plutôt tu ne veux pas comprendre, je suppose, parce que la réalité est comme souvent ici plus complexe que la théorie – qu’il peut y avoir là précisément le fait pour quelqu’un de supporter les inconséquences des choix des autres. En tant que libéral, justement, cela me pose un problème. Et cela devrait t’en poser un aussi.