Marine Le Pen refuse le débat avec Jean-Luc Mélenchon : plus jamais ça
L’événement du jeudi soir, c’était le fameux et attendu débat Mélenchon Le Pen sur France 2, dans l’émission « Des paroles et des actes » animée par David Pujadas.
Attendu ? Pas vraiment. C’était en effet un secret de Polichinelle : quiconque était un peu informé savait pertinemment que le débat n’aurait pas lieu.
La seule question était donc de savoir comment les uns et les autres allaient réagir.
Les zigotos monozygotes
Après une première confrontation face à un Henri Guaino, qui n’a pas pu s’empêcher de tomber dans la facilité irresponsable du « ce système est fou », on sent la tension monter peu à peu sur le plateau. Marine Le Pen ne prend pas la peine de cacher le mépris qu’elle éprouve envers Jean-Luc Mélenchon mais, plus étonnant, on la sent également sincèrement agacée face à France 2. Elle n’est certainement pas surprise par l’agressivité creuse des journalistes de la chaîne, habituée qu’elle est à être, seule, traitée de la sorte. Il serait d’ailleurs intéressant qu’un jour les intervieweurs de ce pays réservent le même sort aux « il faut interdire les licenciements » et autres joyeuses crétineries que l’on entend chez les rouges vifs.
Alors quoi ? Dès la première saillie de Jean-Luc Mélenchon, elle s’adresse au brun à gros sourcils (au fait, quelqu’un sait ce qu’est devenu Emmanuel Chain ?) et explique :
France 2 est coupable, à ses yeux, d’avoir voulu faire de l’audience à tout prix en réunissant les deux partis extrémistes sur un même plateau, plutôt que de mettre en place les conditions d’un débat de fond.
Un combat de coqs, en somme.
On s’refait l’Janus
Cette entrée en matière de la plus-très-bleue Marine est très bien trouvée, d’autant que l’image est plus que juste. Car, s’ils refusent l’un et l’autre de l’admettre, avec une semblable violence, le Front National et le Front de Gauche sont en réalité des frères. Ennemis, certes, mais ennemis précisément car particulièrement proches. Sur le fond, sur la forme plus encore, nous sommes là en présence des deux faces d’une même pièce, un franc, un euro, un mark ou un rouble, peu importe, mais de vrais siamois.
Il n’est pas étonnant de constater une telle hostilité entre la fille Le Pen et le petit père Mélenchon, tant ils chassent sur les mêmes terres. Celles et ceux qui luttent contre ce « système devenu fou », qui livrerait les peuples du Monde aux hordes sanguinaires de Banquiers Draculesques. Celles et ceux qui se sont réveillés face aux mensonges des Puissants. Celles et ceux qui ont envie d’une France Forte et d’un vrai Changement.
Maintenant.
La Marine (nationale) et le camélidé
Marine Le Pen a encore eu parfaitement raison lorsqu’elle a rappelé, en préambule, les plus récents glaviots de son adversaire dans sa direction. Pour celles et ceux qui ont vécu en Syrie durant ces derniers mois, ce rappel était nécessaire. Pour les autres, il peut sembler superflu tant chacun sait que Jean-Luc Mélenchon tombe au quotidien dans son patois ordurier et graveleux : il ne l’est pas, tant ce qui va suivre découle de ces quelques mots.
Nous y sommes : Marine Le Pen refuse le débat avec Jean-Luc Mélenchon car celui-ci l’a insultée et a insulté du même coup l’ensemble de ses électeurs. C’est ce deuxième point qui seul importe en réalité. : l’électorat du FN, constamment méprisé par les médias français.
Si le constat est… incontestable, la réaction est à tout le moins discutable. Car en exigeant comme préalable à tout débat des excuses publiques de la part de Monsieur Mélenchon, Madame Le Pen savait évidemment qu’elle fermait la porte. L’hystérique ne pouvait en effet que surenchérir face à la névrosée semi-démente.
N’y avait-il pas mieux à faire ?
Le Pen et le burlesque
A dire vrai, ce qu’on aimait chez feu (non, pardon, c’est vrai qu’il est encore là, à peine caché dans l’ombre) Jean-Marie Le Pen, c’était sa gouaille. Ne niez pas : même si vous hurlez sur tous les toits détester l’extrême-droite française, glorieux Résistant de la glotte que vous êtes, vous ne pouvez pas vous bidonner devant Jérémy Ferrari sans esquisser un sourire (discrètement bien sûr, n’oubliez pas que c’est mal et que vos amis, qui font de même, ne vous le pardonneraient pas) à l’écoute de JMLP.
Car cette gouaille est loin du caniveau dans lequel se vautre Mélenchon : de la boule de gomme haut de gamme, un Mala qui sait jongler entre les registres de langages et passer sans cesse de Mozart à Stromae ou des Beatles à David Guetta. Le « parler vrai » du FN, c’est en grande partie ça : dire des choses, choquer, mais y mettre les formes. Prendre les idées à la cave et les jeter sur le toit-terrasse. Quitte à emballer du crottin dans un bas de soie.
Mélenchon, c’est autre chose. Ce sont les frites qui dégoulinent, le vin qui tâche et la cirrhose à 40 ans.
Imaginons donc un instant Jean-Luc expulser du « semi-dément » à la face de Jean-Marie. On ne peut douter un instant que ce dernier aurait su quoi faire d’une telle aubaine !
Mais Marine préfère laisser le crachoir. Jean-Luc lui plante alors un excellent « ça vous laisse une bonne moitié ».
Dans la salle, des éclats de rire.
Devant sa télé, un Jean-Marie effondré.
Y a pas l’débat, toi et moi, on y va
En refusant le débat avec Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen a voulu renforcer la rupture avec Jean-Marie Le Père Tout Puissant et construire un peu plus une crédibilité de femme d’Etat. Mais, ce faisant, elle a aussi donné l’image de quelqu’un de fragile.
Face à l’aboyeur du quartier ou au poivrot du comptoir, difficile en effet de ne pas se lever et riposter un tant soit peu. Quitte à se prendre un poing dans la gueule.
A ce stade, la vraie question est de savoir comment a été perçu ce flirt des fronts par les partisans de l’un et l’autre camp, ainsi que par les gens pour lesquels ces partis relèvent plus du Grand Cabaret que du raisonnement de fond.
A court terme et d’un point de vue purement comptable, certainement pas grand chose. Ceux qui la conchient – et Marine sait qu’ils sont nombreux – continueront de le faire. Mais ils ne manqueront pas, du moins pendant les quelques semaines qui nous séparent du premier tour des Présidentielles, d’évoquer jusqu’à la nausée ce non-débat. En sirotant le champagne ou en rotant les bières, à coup de tapes dans le dos. Quelle belle victoire que voilà, c’est la preuve que notre grande idée du « pas de concession face à ces gens-là » est la seule valable, nous sommes les seuls à faire reculer le FHaine ! Et le soir du premier tour, ils seront tous blancs (à moins, chose pas si improbable que ça, que leur canasson soit lui aussi de la fête).
Leur conclusion ? Les électeurs du FHaine sont encore plus cons qu’ils le pensaient jusqu’alors. C’est ainsi qu’on a pu lire des inepties sur les réseaux sociaux hier soir, par exemple sur Twitter où l’on trouvait du « le FN est mort ce soir » et du « un grand bravo à Jean-Luc Mélenchon pour son courage ».
Inepties, disais-je. Mais il ne faudrait pas, si elle souhaite conserver ce parti au-delà de ces Présidentielles, que Marine Le Pen refuse un autre débat, avec Jean-Luc Mélenchon ou un autre d’ailleurs. Car l’électeur moyen du Front National, justement habitué au quotidien au mépris et à l’hostilité, attend de son représentant qu’il parle pour lui. Haut et fort.
Et les joutes verbales ne se gagnent pas en refusant le combat.